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Publié le par Michel

Depuis une heure déjà il patientait, il s’impatientait, elle ne viendrait peut-être jamais. Un message sur sa boîte aux lettres l’avait averti de l’évènement ; Elle ne pouvait lui mentir, il croyait en Elle.

 

CHAP. 1

Les quais du canal saint Martin, désertés des hommes et des femmes de ce siècle par cette nuit de septembre 1917 pluvieuse et froide. La guerre dont on disait que la fin était proche depuis plus de trois ans ravît les hommes, qu’il fallut remplacés dans les usines par les femmes afin de fournir l’effort patriotique nécessaire au massacre. Pour Emile Deschamps la boucherie prit  début  mai 1916 sur la côte 304 grâce à une balle allemande qui lui avait perforée le poumon gauche, il ne pourrait médicalement plus fumer,  cet avertissement n’eut aucun effet sur son tabagisme et allumait chaque cigarette avec celle qu’il venait de finir, comme à son habitude. Il se souvenait des paroles du  médecin du régiment :

« - vous savez deuxième classe Deschamps que fumer une seule clope avec un seul poumon opérationnel ce n’est pas un mais dix clous que vous posez sur la caisse de sapin… » À peine avait il finit sa phrase qu’Emile s’en ralluma une, « vive la France ! » au loin les canons éventraient la terre retournant les cadavres en décomposition que d’autres bidasses allaient rejoindre rapidement faute de s’être mis à l’abri top tardivement.

Elle ne viendrait pas, le message paraissait pourtant clair : « rdv 22h ce soir au canal St martin place des guinguettes du dimanche ». La pluie se fit plus forte encore, il ne lui restait que cinq clope, une heure maximum, ensuite il s’en irait, Irène trouverait bien un moyen de le retrouvé. Une lumière jaunâtre coupée par la pluie apparue à quelque distance pour s’éteindre presque aussitôt, le bruit d’une portière que l’on claque suivi de petits pas rapides. Il reconnu Marthe, au bruit, il l’aimait, elle le savait mais il n’avait toujours pas eut le courage de lui dire, ni  même de lui montrer, hors d’actualité pour le moment : la rumeurs courrait dans le milieu qu’un évènement d’une importance considérable allait se produire dans la grande Russie, l’insurrection paysanne du début de ce siècle et les révoltes sur le front depuis février l’annonçaient, les bolcheviques pourront-ils prendre le pouvoir ? Le peu d’espérance qui lui restait l’y poussait à y croire, tout en sachant que l’issue se trouverait dans le sang d’ignares endoctriné, volontairement ou non.

Dans une rafales de  vent humide Marthe lui embrassa la joue gauche puis la droite comme à son habitude avec une tendresse non dissimulée.  Viens, lui dit-elle, pressons le pas. Elle en profita pou lui presser le bras, il ne pu s’empêcher de lui presser la hanche, comme à son habitude, sans arrières pensées, ou presque mais si finement dissimulé qu’elle n’y vit que du feu.

 

Elle le guidait aux travers des ruelles suintantes et vides, lui, presque aveugle, la suivait, ils ne parlaient pas. Les deux fantômes traversèrent le canal, prirent la rue des écluses et s’engouffrèrent sous un porche bas. Au fond de la cour une lueur s’échappait de la lucarne d’une porte massive. Marthe frappa trois fois, puis deux, comme s’il eut s’agit d’un code et entra. L’atmosphère, aussi humide qu’à l’extérieur, mais la lumière, tamisée par la fumée tant des manteaux séchant que par les cigarettes des buveurs du tripot. Dans ce lieu hors du temps, de la guerre, des révoltes, les habitués jouaient au cartes, buvaient, séduisaient des prostituées en fin de carrière, buvaient, trébuchaient, buvaient, s’insultaient, buvaient, tombaient puis sortaient. Marthe conduisit Emile vers une table un peu à l’écart.

La peur, voilà ce qui lui entamait une partie de son esprit, plus exactement une frayeur mêlée de désir ; l’ensemble des sentiments, au par  avant laisser de côté, revinrent à la charge lâchés, sans aucun contrôle ils ne lui laissèrent qu’une respiration haletante son cœur ne lui laissait aucun répit et ne demandai qu’à le laisser sur place, presque mort, cette dernière que l’on lui avait épargnée dans les tranchées maintenant le laissait en paix. Assit devant Marthe il ne savait que dire pour engendrer la moindre conversation, fut-elle futile, il se laissait aller à lui répondre sans trop d’assurance, « puis-je t’enlacer, t’embrasser, te baiser… », Ces paroles raisonnaient dans son esprit étroit et froid jamais : il n’oserait le lui dire. Ses grands yeux en amende le scrutaient, attendaient-ils quelque chose ?

         Emile choisi la bière la plus forte disponible, afin de se donner du cœur –ce qu’il ne possédait qu’en piètre quantité en apparence-  Marthe, elle choisit la moins chère, l’argent lui faisait défaut du fait de ses études.

 -Simon ne manque pas mais il m’arrive de rêver de lui, parfois, lâcha-t-elle dans un soupir. Bien que je sache que nous n’aurions plus rien à nous dire, continua-t-elle, presque malgré elle.

Emile lui rétorqua qu’il n’y avait aucune honte de rêver d’une personne même après qu’elle lui eut fait subir toutes les souffrances du Tartare. Simon était et est encore une de ces meilleurs amis, sa relation avec Marthe avait duré presque deux ans et se termina dans les drames dont les relations fusionnelles étaient capables : un an de vie commune les avaient rendus étrangers l’un à l’autre. Après un long silence, empoignant son courage ainsi qu’une cigarette ouvrit la bouche, le mince filet de fumée sortit, accompagnée d’un sifflement profond mais ne dit rien.

Combien de temps gardèrent-ils ce silence de deuil ? De l’autre côté de la pièce on échangeait des nouvelles sur les évènements de Russie, à mots couverts, autant que de coupures de papiers interdits. Marthe couronnée d’une photo de Bakounine, jaunie et usée comme un parchemin, dénotait de l’historique illégalité du lieu. Elle lui tendît une autre image photographique, dans un état si lamentable qu’elle l’avait collée sur un morceau de carton afin qu’elle ne se délite plus. Sur la photo, un enfant, il se tenait debout, droit comme un poteau d’exécution, ses lèvres, minces,tentaient imperceptiblement d’esquisser un sourire, ses grands yeux noir regardait devant lui avec une intensité telle qu’ Emile cru qu’il le regardait, il devait avoir huit ans, cintré dans un uniforme scolaire.  Il s’appelle Friedrich, il a maintenant 16 ans, nous l’appellerons désormais Frédéric, lui dit-elle brisant subitement le silence. Le nous l’interpella ; bien qu’ils se fréquentaient depuis des années, jamais ce pronom n’avait été employé, par aucun d’entre eux. Emile voulu lui prendre la main mais se ravisa instinctivement. Du bout des lèvres il lui demanda qui était l’enfant.

« - Cet enfant, désormais le notre, ou de notre responsabilité, s’enrôla pour le front après avoir menti sur son age afin de suivre son père et les préceptes de celui-ci qui était officier dans l’armée boche. Silence.  Il est encore jeune mais son histoire est déjà longue. Je l’ai pour ainsi dire ramassé à ---------, mort de faim et d’épuisement lorsque que je servais au front comme infirmière… » Elle voulu finir sa phrase, mais sa voix se troubla, étouffant un sanglot. Il savait que son engagement datait des premiers jours du conflit, ils ne s’étaient pas revu depuis trois ans, seule un correspondance éparse et coupée du fait de la censure qui envahit chaque pays en guerre maintenait le contact. Des missives où par habitude s’expliquait que tout allait pour le mieux, voire même que la nourriture était bonne, sans intérêt, juste pour ne pas perdre espoir, juste pour dire « je ne suis pas encore mort ».

Les trois coups résonnèrent du comptoirs, la pièce allait débuter, le gros patron, rouge jusqu’au haut de son crâne chauve abaissa les lumière des petits bec de gaz.  Un petit groupe se dirigea vers une porte camouflée. D’un signe de tête Marthe enjoignit Emile de les suivre. L’histoire de Friedrich attendrait.

La porte donnait sur un escalier en pierre voûté, ils pénétrèrent ensuite dans une salle a peine plus grande que le bistrot du dessus où une vingtaine de chaises ainsi q’une estrade étaient installées, cinq hommes, en train de s’assoire discutaient a voix basse comme pour ne pas déranger le calme de la cave.

 

 

La pièce s’emplissait peu à peu des gens du dessus accompagnés de quelques autres qu’Émile n’avait pas remarqués ou bien arrivés justes pour l’occasion, peu importe. Un frémissement sonore fit tressaillir l’assemblée lorsque qu’une gueule cassée débarqua, s’installa sur l’estrade face au public. Emile se sentit rajeunir de quelques années, il se revoyait assis sur des banc usés, en blouse grise ou noire selon les endroits, ses brodequins lourds de boue et des impensables aventures de la cour de récréation, face à un tableau noir avec un peu plus à gauche une carte de France gribouillée à l’est, mise à jour de fortune, pour ne pas oublié la défaite de 1870, surtout pour aiguiser la rancœur « le boche », préparatif à la tuerie. Le professeur de ce soir était borgne, ne se déplaçait que difficilement.

L’estropié pris la parole, comme dans un murmure, sa langue semblait collée à sa mâchoire inférieure : « vous chavez pourquoi nous  chommes touche la… » Émile l’ignorait, mais ne dit mot. Il avait vu les horreurs de la boucherie, des gaillards se chiant dessus avant l’assaut, des hommes bâtit comme les héros de l’Odyssée pleurant et appelant leur mère en se tenant les tripes en attendant l’arrivée de la faucheuse, des corps vaporisés par les obus, des être anciennement humains marchant sur leur moignons, mais dans le civil mais, dans le monde des vivant la vue de l’épave lui donnait la nausée.

« Il chachit d’arrêter les mensonges sur le massacre qui se déroule depuis bientôt trois ans, Anastasie sort ses ciseaux dans les chournaux d’un côté du front comme de l’autre voyez les colonnes laissées blanches dans le nouveau journal que certains connaichent peu être le canard enchaîné qui depuis 1915 tente de défié nos bourreau, les nouvelles de la révolution Russie sont tronquées, nous ne pouvons… » . Émile les yeux presque exorbité, la nuit l’enlaçait, la boue mélangée aux restes de ses compagnons l’ensevelissait peu à peu, ses oreilles bourdonnaient. Gisant dans une posture ridicule, le derrière en l’air comme dans l’attente d’une dernière onction un gamin d’en face venait de rendre ses entrailles à la terre, Émile en était l’auteur, comme d’innombrables autres œuvres. Il avait regardé le soleil descendre sur les paysages, en même temps que la fin du môme qui même trépassé semblait lui demander « pour quoi ? »

Pour quoi lui aussi avait-il participé au carnage ? Pour quoi pleuvait il ? Pour quoi la lumière de la lune vacillait-elle comme celle d’un e lampe à gaz ? Pour quoi avait-il suivi Marthe dans cette cave humide ? Pour quoi l’homme délabré parlait comme un instituteur, pour quoi, pour quoi… il eut l’impression de se réveiller d’une stase. La salle se vidait peu à peu, Marthe le saisi par le bras « cet homme est extraordinaire, quel courage ! Que dirais-tu d’aller voir se qui se passe sur le front russe… » Émile ne l’entendit plus, il suivait cette silhouette fluette comme un veau que l’on emmène à l’abattoir, l’échine courbée, les poings enfoncés dans les poches de sa veste. 

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M
oups désolé c'était la version non relue...... en attente de la suite et des corrections !
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M
n'hésitez pas sur les critiques!!!!
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